Sombre...
Sombre la journée qui se profilait sur Lesparra, alors que le jour se levait à peine, dans une brume qui empêchait de voir à plus d'une lieue et une neige qui ne cessait point de tomber.
Sombre, la tenue de la dame de parage, pour éviter de froisser certaines gens de la baronnie. Les craintes que la duquessa ne survive point à sa délivrance envahissaient la mesnie, et elle-mesme par la mesme occasion. Qui eut crû cela possible, un jour ? Voir sa dame à l'état de loque sans repères, cherchant son nom dans les limbes d'un esprit de plus en plus dérangé, de moins en moins attirant.
Et pourtant... Elle avaict esté souvent présente, ces derniers jours, repoussant mesme sa date de retour à Montmirail, prenant la décision d'accoucher céans s'il le fallait. Lettre avaict donc esté rédigée à l'attention de son aimé, pour l'informer de cet état de fait, pour luy éviter des interrogations et inquiétudes inutiles. Car ces inquiétudes, elle les vivait à chaque instant, à chaque pas qu'elle faisait désormais soutenue par une canne.
Sombre, l'oratoire, en cette aube brumeuse et mélancolique, à l'unisson de l'ambiance de la baronnie. Pourtant lieu de prières et de recueillement, rien ce matin n'aurait pu prouver que le lieu estait fréquenté régulièrement par la fille de la duquessa. La salle de taille modeste ne comportait aucun ornement, mis à part deux sièges pour pouvoir prier à son aise.
D'ordinaire, elle-mesme priait dans sa chambre, agenouillée à mesme le sol près de la cheminée. Mais ce matin elle ne trouvait point cela suffisant, elle avaict besoin de se retrouver dans un endroit dédié au Très Haut, un lieu ou ce dernier pourrait venir la voir et l'écouter à sa guise. Que l'endroit ne soit point consacré selon le rite aristotélicien l'importait peu, en cet instant !
Faible, la voix qui murmure les prières, elle qui n'a jamais prié à haulte voix et qui ne le fera jamais, ayant toujours estimé que les appels ou louanges au Très Haut se devaient faire dans le silence.
Seigneur, fais de moi un instrument de paix.
Là où est la haine, que je mette l’amour.
Là où est l’offense, que je mette le pardon.
Là où est la discorde, que je mette l’union.
Là où est l’erreur, que je mette la vérité.
Là où est le doute, que je mette la foi.
Là où est le désespoir, que je mette l’espérance.
Là où sont les ténèbres, que je mette la lumière.
Là où est la tristesse, que je mette la joie.
O Seigneur, fais que je ne cherche pas tant
à être consolé qu’à consoler,
à être compris qu’à comprendre,
à être aimé qu’à aimer.
Car c’est en donnant que l’on reçoit,
c’est en s’oubliant qu’on se retrouve,
c’est en pardonnant que l’on est pardonné,
c’est en mourant que l’on ressuscite à la l’éternelle Vie.