Depuis plusieurs mois, Mère est de retour à Lesparre, et la demeure sort peu à peu de la routine. C'est que notre génitrice est de nature fantasque, et semble toujours amener chambardements et agitation. Tout cela me plaît, mais me fait aussi un peu peur. Je crains d'ailleurs de n'être pas bien courageuse de façon générale, tremblante que je suis toujours pour tout et rien. Tiens, le cheval par exemple. Constantin en raffole depuis que mère lu apprend à monter, et ne cesse de vouloir cavalcader. Alors que moi, rien que me retrouver sur le dos d'une de ces bêtes me fait attraper des sueurs froides. J'ai beau me raisonner, savoir qu'une dame doit savoir au moins monter avec grâce pour suivre les chasses, à défaut de monter à la manière intrépide de mère, rien n'y fait: je tremble comme une feuille dès que je me mets en selle. Et je n'évoque même pas les armes, la simple idée d'en saisir une m'effraie.
Non décidément, je dois être une peureuse, il faut que je m'y fasse. Une peureuse et un rat de bibliothèque. Jamais je ne suis si heureuse que lorsque je peux dévorer les manuscrits que contient la librairie!
Aujourd'hui cependant, c'est vers la haute cour que je me dirige. Vers l'oratoire. Apparement, Bazas n'est point sûre, et nous ne pouvons plus nous y rendre. Finie les messes dominicales, et cela me manque. A défaut de messe, au moins pourrais-je ici réciter en paix les prières apprises. Mais j'en connais si peu ! Cela me désole de ne pas être plus savante en matière de religion.
Je traverse l'oratoire à petits pas menus pour venir m'agenouiller sur le prie-Dieu de velours réservé à mon usage personnel. Mains jointes, yeux fermés, j'égrène avec ardeur les mots du credo, la seule prière que je connaisse parfaitement pour l'instant.
Je crois en Dieu, le Trés-Haut tout puissant,
Créateur du Ciel et de la Terre,
Des Enfers et du Paradis,
Juge de notre âme à l'heure de la mort.
Et en Aristote, son prophète,
le fils de Nicomaque et de Phaetis,
envoyé pour enseigner la sagesse
et les lois divines de l'Univers aux hommes égarés.
Je crois aussi en Christos,
Né de Maria et de Giosep.
Il a voué sa vie à nous montrer le chemin du Paradis.
C'est ainsi qu'après avoir souffert sous Ponce,
Il est mort dans le martyre pour nous sauver.
Il a rejoint le Soleil où l'attendait Aristote à la droite du Trés-Haut.
Je crois en l'Action Divine;
En la Sainte Eglise Aristotelicienne Romaine, Une et Indivisible;
En la communion des Saints;
En la rémission des péchés
En la Vie Eternelle.
AMEN
Mer 18 Juin - 11:53:23