Consécration de la chapelle

J'étais surexcitée de voir la chapelle de mon domaine consacrée! Quel beau cadeau me faisaient en ce jour ma soeur et ma marraine! J'espérais d'ailleurs qu'Aélis sortirait pour cette occasion de sa retraite et de son isolement. La tension retombée, mon mariage encore à l'état de lointain projet, je pouvais reconnaître que ma grondeuse aînée me manquait, plus que je ne l'aurais cru.

En attendant, j'avais mis mes plus beaux atours pour me rendre à Sainte Marie, traînant avec moi un Faran nettement moins emballé que je ne l'étais.

Allez viens avec moi... S'il te plaît... Ca me ferait plaisir....

Et c'est donc moitié suppliant moitié imposant que je parvins, accompagnée de mon petit prince, à la chapelle. Prenant place sur le banc du premier rang, je dédiai à Eloin un sourire radieux et entonnai à sa suite le credo.

Je crois en Dieu, le Trés-Haut tout puissant,
Créateur du Ciel et de la Terre,
Des Enfers et du Paradis,
Juge de notre âme à l'heure de la mort.

Et en Aristote, son prophète,
le fils de Nicomaque et de Phaetis,
envoyé pour enseigner la sagesse
et les lois divines de l'Univers aux hommes égarés.

Je crois aussi en Christos,
Né de Maria et de Giosep.
Il a voué sa vie à nous montrer le chemin du Paradis.
C'est ainsi qu'après avoir souffert sous Ponce,
Il est mort dans le martyre pour nous sauver.
Il a rejoint le Soleil où l'attendait Aristote à la droite du Trés-Haut.

Je crois en l'Action Divine;
En la Sainte Eglise Aristotelicienne Romaine, Une et Indivisible;
En la communion des Saints;
En la rémission des péchés
En la Vie Eternelle.

AMEN

Suivant de loin la petite duchesse et le petit comte, Louise avait prestement retiré son tablier en entendant les cloches sonner. Eloin l'avait prévenue que cejourd'hui se tiendrait la consécration de la chapelle.

Et, en bonne meschine colporteuse de ragots, Louise apporta la nouvelle à tous les gens du castel, du moindre soldat jusqu'à la très revêche Eudeline. Du coup, en cette matinée qui annonçait un changement dans les habitudes de la mesnie, du moins pour ce qui était des prières, la plupart des servants et dévoués à la famille se rassemblaient dans la chapelle, petite salle magnifiquement décorée, aux vitraux neufs, posés quelques temps auparavant par des orfèvres bordelais.

Entrant dans la chapelle, Louise se signa et prit place sur un banc déjà occupé par Marie, l'une des plus jeunes soubrettes de Lesparre, récitant le crédo avec un léger temps de retard.

Je crois en Dieu, le Trés-Haut tout puissant,
Créateur du Ciel et de la Terre,
Des Enfers et du Paradis,
Juge de notre âme à l'heure de la mort.

Et en Aristote, son prophète,
le fils de Nicomaque et de Phaetis,
envoyé pour enseigner la sagesse
et les lois divines de l'Univers aux hommes égarés.

Je crois aussi en Christos,
Né de Maria et de Giosep.
Il a voué sa vie à nous montrer le chemin du Paradis.
C'est ainsi qu'après avoir souffert sous Ponce,
Il est mort dans le martyre pour nous sauver.
Il a rejoint le Soleil où l'attendait Aristote à la droite du Trés-Haut.

Je crois en l'Action Divine;
En la Sainte Eglise Aristotelicienne Romaine, Une et Indivisible;
En la communion des Saints;
En la rémission des péchés
En la Vie Eternelle.

Je réprimai un petit soupir en sentant le coude de mon petit prince s'enfoncer dans mes côtes, me distrayant ainsi de mon recueillement. Etait-il donc incapable de se tenir tranquille plus de cinq minutes d'affilée? Me baissant légèrement vers lui, je vins murmurer à son oreille.

Non Faran, ce ne sera pas très long. Par contre il n'y aura rien à manger mais je te promets qu'après nous irons demander des gauffres aux cuisines. Ca te va?

Etendant la main, j'attrapai le poignet du petit diable et le serrai doucement, espérant qu'il se tiendrait coi au moins quelques temps.

Une messe...

Ca pour un évènement, c'était quelque chose ! Et la dévote gouvernante, qui s'évertuait à enseigner aux rejetons ducaux la politesse, la dévotion et le respect ne pouvait qu'approuver l'initiative de la damoiselle Aélis, pour le coup !

Le Dragon, que les années avaient vieillie et ralentie, entra dans la chapelle de son pas resté malgré tout assez vif, jetant un regard sec et sans aucune tendresse sur le rejeton Louvelle assis à côté de son aînée.
Aucune morale, aucun respect, et aucun sens de l'obéïssance, celui-là, malgré toute la patience qu'elle mettait à lui enseigner les bonnes manières ! Ah ! Il en avait reçu, des coups de réglette en bois sur le bout des doigts, des chiquenaudes sur le crâne comtal, des engueulades bien senties au beau milieu du castel !

En vain, pourtant, au point que l'Eudeline était sur le point de laisser tomber l'éducation de ce gamin irrécupérable. Le sale caractère de son père avait par trop déteint sur le petit à son goût, même si elle ne s'était jamais permis une seule remarque. Seule Eloin savait, depuis une petite discussion dans la salle d'étude, qu'elle avait en horreur le dernier fils de la défunte duchesse.

Et si elle continuait à parler dans le vent à ce petit ingrat, c'était bien par respect pour la jeune duchesse Elianor ! Sinon, y aurait longtemps qu'elle aurait plié bagage pour s'en aller proposer ses services à d'autres familles de nobles, pour sur !

Se posant au fond de la chapelle, pour ne pas attirer les regard sur sa mine revêche, elle croisa les bras sur son buste, récitant le crédo de sa voix restée mélodieuse malgré tout.

Je crois en Dieu, le Trés-Haut tout puissant,
Créateur du Ciel et de la Terre,
Des Enfers et du Paradis,
Juge de notre âme à l'heure de la mort.

Et en Aristote, son prophète,
le fils de Nicomaque et de Phaetis,
envoyé pour enseigner la sagesse
et les lois divines de l'Univers aux hommes égarés.

Je crois aussi en Christos,
Né de Maria et de Giosep.
Il a voué sa vie à nous montrer le chemin du Paradis.
C'est ainsi qu'après avoir souffert sous Ponce,
Il est mort dans le martyre pour nous sauver.
Il a rejoint le Soleil où l'attendait Aristote à la droite du Trés-Haut.

Je crois en l'Action Divine;
En la Sainte Eglise Aristotelicienne Romaine, Une et Indivisible;
En la communion des Saints;
En la rémission des péchés
En la Vie Eternelle.

La blondinette avait longtemps hésité à venir, tournant et retournant entre ses doigts la missive qui lui annonçait la consécration de la chapelle de Lesparre. Dire que quelques semaines auparavant à peine, elle serait accourue pour l'occasion... Plus même, elle aurait probablement été déjà sur place au lieu de se renfermer à Blaye comme elle le faisait.... Mais il y avait eu cette foutue signature de contrat à Paris, ce marchandage de maquignons au cours duquel ils avaient vendu leur tendre et innocente soeur à un débauché cynique, cette journée affreuse où une nouvelle fois il avait fallu affronter Guilhem et feindre une querelle qui la ravageait de plus en plus. Et puis le retour en Guyenne, l'échappée vers Blaye où elle pouvait dissimuler un ventre qui s'arrondissait de plus en plus. Folie d'ailleurs que de risquer ce jour que son secret ne lui échappe malgré les vastes plis de sa robe et l'épaisse cape de laine qui l'emmitouflait toute entière...

Mais enfin, elle ne pouvait manquer cette cérémonie. Elle se glissa donc à son tour dans la chapelle, observant l'air recueilli d'Eloin, la joie qui illuminait le visage de Boucles d'Or, la réunion de tous dans la chapelle, mesnie fidèle depuis longtemps... Mesnie où elle ne se sentait guère à sa place, elle, la bâtarde. Et puis son pupille aussi était là, son demi-frère qu'elle ne parvenait pas à aimer malgré de réels efforts, du moins au début. Il lui était trop difficile d'oublier que sa naissance avait causé le décès de la mère. Trop difficile aussi d'oublier le butor insupportable dont il était le fils.

Eloignant de son mieux ses pensées peu charitables en un tel lieu, la blondinette joignit les mains et mêla sa voix à celles du reste de l'assistance.

Je crois en Dieu, le Trés-Haut tout puissant,
Créateur du Ciel et de la Terre,
Des Enfers et du Paradis,
Juge de notre âme à l'heure de la mort.

Et en Aristote, son prophète,
le fils de Nicomaque et de Phaetis,
envoyé pour enseigner la sagesse
et les lois divines de l'Univers aux hommes égarés.

Je crois aussi en Christos,
Né de Maria et de Giosep.
Il a voué sa vie à nous montrer le chemin du Paradis.
C'est ainsi qu'après avoir souffert sous Ponce,
Il est mort dans le martyre pour nous sauver.
Il a rejoint le Soleil où l'attendait Aristote à la droite du Trés-Haut.

Je crois en l'Action Divine;
En la Sainte Eglise Aristotelicienne Romaine, Une et Indivisible;
En la communion des Saints;
En la rémission des péchés
En la Vie Eternelle.

AMEN

Sans ménagement, c'était peu dire. De là à dire qu'elle aurait pris plus grand soin d'un sac de futaine, il n'y a qu'un pas, très facile à franchir. Il eu beau freiner des quatre fers et protester tant qu'il le put, la tutrice ne pipa mot et ne s'arrêta qu'une fois arrivés au dehors, à l'écart de la cérémonie.

Une fois dehors, elle n'en dit pas plus, mais avait tout de même eut la bonne idée de lâcher le gamin, qui ne se fit pas prier pour s'éloigner de quelques pas et se mettre hors d'atteinte. Là, il planta ses petits poings sur ses hanches, d'un air de défi. Autant qu'il le put, il essaya en outre d'adopter un regard furieux, mais quoi qu'il fit, il était bien en deçà de ce qu'affichait Aélis.

Et maintenant ? lança-t-il d'une voix qu'il aurait voulu plus sûre Qu'est-ce qu'on fait ?

La blondinette ne croyait pas possible de s'encolérer davantage. Et pourtant, la tentative de défi du rejeton de raclure acheva de l'exaspérer. Non content d'avoir risqué de gâcher l'une des journées les plus importantes de sa demi-soeur, l'insolent marmot osait se rebiffer? Il était temps qu'il comprenne que ca n'était pas lui qui dirigeait. La blondinette se reprocha in petto d'avoir quitté Lesparre. Certes, sa grossesse de moins en moins camouflable ne lui avait guère laissé d'autre choix. Mais ce faisant, elle avait laissé le champ libre à l'insupportable garnement. Ca n'était certes pas Boucles d'Or qui aurait pu le mater, si tant est qu'elle en ait eu l'envie. Eloin en aurait eu la poigne mais n'avait hélas aucun titre d'autorité sur lui. Et ne parlons même pas du domestique de la baronnie, qui devait se contenter de subir sans rien dire de toute façon.

Mais le gnome allait vite comprendre qu'Aélis, elle, avait tout ce qu'il fallait pour le mettre au pas. Toisant le gamin d'un air mauvais, elle répondit avec un sourire sardonique.

Ce qu'on fait? Ca dépend de toi petit diable... Soit tu t'excuses sur le champ de ton inconduite et de la peine qu'elle a faite à ta soeur Elianor. Auquel cas tu en seras quitte pour une solide fessée et une interdiction de monter à cheval pour une semaine.

Soit tu t'entêtes. Et là mon très cher, je te promets de faire de ta vie un véritable cauchemar qui te fera vite regretter ton obstination...

La voix était calme, trop calme. Trait de famille. C'est lorsqu'elles ne crient pas que les femmes Harlegnan sont les plus dangereuses.

Pendant ce temps, à Veracruz, à l'intérieur.


Ma place près de Faran ayant été occupée _ à des fins punitives _ par Aélis, je me glissai sur l'autre bord du banc et suivis avec une attention passionnée le reste de la cérémonie. L'un après l'autre, les gestes d'Eloin transformaient la vulgaire enceinte de pierre et de verre où nous nous trouvions en un lieu consacré, en un espace privilégié de rencontre avec le divin. Par l'éther, la terre et l'eau, Sainte Marie de Lesparre prenait vie, prenait âme, pour la plus grande gloire du Très Haut et de sa sainte. A partir de ce cocon sur lequel nous les implorions d'abaisser leur regard, nous pourrions cheminer vers eux, "vers la paix, l’amour et le paradis solaire" comme le disait si bien Eloin. Oh, j'aurais voulu avoir des ailes, pour accomplir plus vite ce chemin!

J'étais donc toute à mon recueillement et à mon exaltation, quand une exclamation trivialement terre à terre me fit brutalement redescendre des sommets que je rêvais d'atteindre.


Ah mais ça pue !

Je pâlis. Faran. C'était la voix de Faran qui troublait ainsi ce moment si particulier, si important pour moi. Je sentis le chagrin me tomber dessus, comme une lourde chape de métal qu'on aurait abattu d'un coup sur mes épaules. N'aurait-il pu faire un effort en ce jour? Un tout petit effort, juste pour cette cérémonie qui comptait tant pour moi? Ne valais-je donc même pas à ses yeux ces maudits chevaux que je m'étais forcée à aller voir avec lui, pour lui, peu de jours auparavant? Pour approcher ces bestioles du diable, il avait su se faire calme, se tenir tranquille. Il en était donc capable, quand il le voulait. Devais-je en conclure qu'il ne le voulait pas aujourd'hui, même quand il savait que cela me peinerait?

Je sentis mes yeux s'embuer de larmes tandis que je les tournai vers le mini-comte que déjà une Aélis en furie entraînait hors de la chapelle. Ca n'est pas gentil petit frère, ce que tu me fais là...

Le coeur bien lourd et les pensées chagrines, je ne m'aperçus pas tout de suite que ma marraine s'était approchée de moi. Retournant pourtant finalement la tête, je la vis qui me tendait un vélin, magnifiquement orné et enluminé, d'une beauté à vous couper le souffle. Quelques passages, signalés par des croix. Etait-ce donc à moi d'en donner la lecture? Oui, très certainement! Marraine ne m'aurait assurément point remis ce parchemin sinon. Si beau soit-il, elle aurait attendu la fin de la messe pour me le donner si sa démarche n'avait visé qu'à l'esthétique. Je la remerciai secrètement d'avoir songé à moi pour cette lecture, plutôt que de la faire elle-même. D'abord parce que lire les textes saints m'emplissait toujours de contentement. Et aussi parce qu'en cet instant, la diversion était plus que bienvenue.

Frottant farouchement mes yeux de mes menottes pour en chasser les larmes, je saisis le livre et commençai ma lecture, d'une voix qui reprit au fil des mots, l'assurance dont elle était pourtant bien dépourvue au commencement.

Marie qui découvrait ce monde, finalement cette misère, décida de sortir, elle passa par la fenêtre de sa chambre qui était au rez-de-chaussée. Elle n'osait imaginer si son père savait mais elle voulait comprendre, visiter. Elle avait bien l'impression qu'on lui avait caché la vérité depuis sa naissance.

En se promenant elle remarqua des vagabonds qui avaient allumé un petit feu, toutefois même elle avait froid.
Elle s'approcha et leur demanda.

Marie : Bonjour, vous êtes des pauvres, c'est bien ça ? mais pourquoi donc ne travaillez vous pas ? Vous auriez ainsi de quoi manger et vous habiller.
Un vagabond qui semblait très vieux : M'mais qui que vla une de la haute, faut vous dire duchesse ? En vla encore une, j'pensais au moins que la rue était pour nous, mais vla qu'ils s'ramènent.
Marie répondant au vieux vagabond : Je n'arrive pas à comprendre ce que vous dites, j'aimerais juste comprendre, ainsi on pourrait vous aider, j'ai du linge, on a aussi de quoi manger au château.
Un vagabond un peu plus jeune : Toi la duchesse, tu ne devrais pas traîner dans les rues, surtout que tu n'as pas l'air bien vieille. On a faim, on a froid mais on ne tue pas. Il y en a qui ont décidé de devenir des brigands, ceux là sont dangereux, surtout pour une personne de ton rang, c'est qu'tu sembles venir d'une famille riche.
Marie : Voyez messieurs j'ai pris quelques vêtements de ma malle, pas trop sans quoi mon père va le voir, vous pouvez ainsi donner une robe à vos filles, c'est qu'il fait très froid. Vous ne pourriez pas vous offrir du pain et des vêtements si vous vous mettiez au travail.
Le jeune vagabond : On travaille parfois, mais c'nest pas facile de trouver un travail au champs, parfois on nous demande de tirer fort, mais on a plus assez de forces pour ça, du coup on a pas de travail ou rarement. Y'a des fois on nous demande de bien calculer, de veiller a ce que l'rendement y soit bon, mais j'ai pas appris moi m'zelle. Alors on a pas non plus le travail. Du coup on mange parfois un petit maïs, parfois rien et ça nous rend encore moins fort.
J'vous assure que si je tenais sur mes jambes j'irai faire un champ et j'les gagnerais mes écus. J'ai perdu mon épouse il y a deux mois, y'a eu un gros coup de froid, elle a toussé beaucoup, elle a eu la fièvre et puis elle m'a quitté.

Marie en entendant tout ce qui lui était expliqué eu comme une illumination. Il ne fallait plus que cela soit.

Marie : J'ai bien compris, si vous êtes seul, vous ne pouvez y arriver. Mais si on vous tend la main, si on vous aide un peu, alors vous retrouverez des forces, vous pourrez travailler, puis avec votre salaire vous acheter des vêtements. Je dois vous laisser, mais je vous promets que je reviendrai, vous pouvez me dire ou nous sommes.
Le jeune vagabond : Vous êtes a'la Villeneuve, si tous ceux qui passent ne nous regardaient pas avec autant de mépris. Rien qu'avec vos paroles vous v'nez de me rendre chaud dans le coeur, bien dommage que mon épouse que j'aimais tant ne soit plus.
Le vieux vagabond : J'va t'dire, te va partir et nous oublier comme les ti zot qui n'tiennent pas leurs promesses.

Marie ne comprenait pas pourquoi on lui avait appris qu'il fallait faire le bien, aimer, partager, donner sans attendre en retour. Elle quitta les deux vagabonds se promettant de revenir bien vite.

Deux ans passèrent, Marie depuis cette rencontre n'était plus la même et son père s'en rendait bien compte pour son plus grand désarroi et sa plus grande colère.
Un beau matin alors que l'office allait être dit dans la chapelle de la famille, Marie alla voir ses parents qui était au petit salon bleu.

Marie : Père, Mère, il faut que je vous parle.
Jean : Nous t'écoutons ma fille.
Marie : Père, Mère depuis que je suis née je suis avec vous, vivant dans un domaine ou tout est merveilleux, toutefois je ne suis pas heureuse.
Jean : Tu n'es pas heureuse, ingrate va !
Hélène : Jean, laisse donc notre fille s'exprimer, au nom de notre amour, de notre union.
Le mari maugréa entre ses lèvres mais il laissa Marie continuer.
Marie : Tous les dimanches nous allons à l'office, j'entends des lectures, on nous dit qu'il faut partager, tendre une main secourable, être humble, aimer son prochain dans l'amitié aristotélicienne et pourtant j'ai vu la misère. J'essaie de vous en parler mais vous ne voulez rien entendre. Père rendez-vous compte que par notre comportement nous ne respectons pas ce que nous entendons le dimanche. Il y a un décalage entre ce que l'on nous dit et ce que nous faisons.
Jean : Mais ... taisez-vous impudente. Nous n'allons pas nous occuper de toute la misère de notre duché ! Ils ont deux bras, deux jambes, qu'ils méritent leur salaire, après ils mangeront.
Marie : Père, je vous aime et j'aime ma mère, mais je ne peux rester en notre demeure sans rien faire, aidons les pauvres, nous en avons les moyens, faisons porter du linge et du pain.
Jean : Il n'en est pas question, notre domaine, notre fortune, nous la devons à mes parents et à ceux de votre mère. Jamais je n'accepterai ce que vous me demandez.
Hélène : Jean, si vous le permettez mon ami, je pense avoir mon mot à dire. Je crois que nous ne pouvons empêcher notre fille Marie de réaliser ce qu'elle souhaite, et comme vous l'avez précisé à l'instant, il est en ce domaine des biens qui viennent de ma famille. Je vais donner à Marie la somme de 15 000 écus, ceci est très peu pour soulager la misère, il lui faudra en faire bon usage. J'espère mon très cher mari que vous n'en prendrez point ombrage, mais je ne veux plus voir le tristesse que je peux lire dans les yeux de Marie depuis 2 ans.

Ainsi quelques jours plus tard Marie pris la route emportant avec elle du pain, des vêtements et les écus que sa mère lui avait donné. Elle avait refusé que des gens armés l'accompagnent. Afin de ne pas attirer l'attention elle avait mis de vieux vêtements.

La remarque marquant l'écoeurement de Faran fut accueillie par l'officiante par un froncement de sourcils équivoque, et elle luy jeta un regard noir, retenant sa main qui, si elle ne l'avoit retenue, serait partie en une gifle retentissante.

Pas le droit...

Pas le droit...

Elle n'avoit aucune autorité sur cet enfant, pourtant elle aurait aimé, en cet instant, pourvoir le remettre à sa place devant tout le castel. Elle se retint de pousser un soupir de soulagement quand elle vict Aélis emmener le petit diable hors de la chapelle, certaine désormais que la fin de la cérémonie se ferait dans le calme.

Remerciant d'un regard sa filleule, elle porta ses yeux sur l'ensemble des petites gens de Lesparra, et récita le sermon, son tout premier en ceste chapelle, qu'elle avoit appris par coeur la veille au soir.

Saincte Marie de la Villeneuve a pris sous son aile une communauté de mendiants, les à aidés à retrouver une activité en ouvrant un atelier de tisserande, et leur a ainsi permis de quitter les rues pour une existence meilleure, sans plus dépendre de la mendicité.

Saincte Marie nous a prouvé qu'il est toujours bénéfique d'aider son prochain à s'améliorer, et nostre duchesse a récemment faict de mesme, en recueillant en son hostel bordelais une fillette vestue de haillons et rouée de coups.

Suivons l'exemple de la Saincte Patronne de ceste chapelle dès que nous en avons l'occasion, nous aiderons ainsi nostre prochain comme l'a voulu Dieu !

Son commentaire achevé, Eloin déposa le vélin dans une petite vitrine déposée sur l'autel, et ferma la vitre du coffre de bois.

Prenant une corbeille contenant le pain et un calice à moitié empli de vin des terres de la duquessa, elle invita les présents à participer au partage, la duqueseta en premier lieu, proposant le pain et le vin à ceux qui s'avancèrent en file indienne devant elle.



Ceste messe est à présent achevée, ceste chapelle consacrée et preste à la communion avec le Très Hault. Je vous remercie d'y avoir assisté et serais heureuse d'y pouvoir prier avec vous régulièrement.

Avant que de vous laisser vaquer à vos occupations quotidiennes, j'aimerais que nous entonnions un chant exaltant nostre Saincte Eglise.



Enfin, sur un sourire, Eloin laissa la chapelle se vider, juste après avoir hoché la teste, signifiant la fin de ce premier office.



Faisant signe à la jeune duchesse de l'attendre, Eloin s'approcha d'elle, posa une main sur son épaule, et glissa quelques mots à sa filleule, observant d'un oeil discret le jeune Faran qui sembloit s'évertuer à défier Aélis.

Ne soyez point vexée, Elianor, vostre cadet ne semble guère attiré par la religion, tout comme feux ses parents... Nous verrons comment cela évolue à l'avenir, mais un dévouement à un quelconque ordre religieux me semble compromis s'il venoit à garder ceste répulsion pour tout ce qui s'apparente de près ou de loin à la religion...

De la peine ? Comment avait-il pu faire de la peine à sa soeur alors que, justement, il ne lui avait rien dit cette fois ci. Elle n'était certes pas toujours la dernière destinataire des piques qui pouvaient naître de son esprit, mais cette fois ci, il l'aurait juré, il n'avait rien fait pour lui être désagréable.
Troublé pourtant par cette nouvelle, le petit desserra ses poings et ramena les bras le long de son corps. A y repenser, il était vrai qu'il n'avait pas fait preuve de finesse sur ce coup.

Soudain attristé, il baissa la tête, comme s'il capitulait devant sa tutrice. C'était dans sa nature d'être trublion. Il était né comme ça et il y avait de fortes chances pour qu'il meure comme ça. Sa vie serait-elle donc vouée à troubler celle des autres ?

Je ... commença-t-il d'une petite voix. Je ne voulais pas lui faire de la peine. Après tout, c'est ma soeur, et je l'aime. Mais je m'ennuyais, il fallait que je bouge, que je fasse quelque chose ou je serais devenu fou.
Et puis, il faut dire ce qui est, ça pue vraiment ce machin. Quelle idée d'en embaumer toute la chapelle, plus personne ne voudra y venir après ça !

Déjà que sans ça ...

La blondinette haussa un sourcil, surprise de la reddition rapide du marmot. Elle l'aurait cru plus entêté dans la désobéissance et l'insolence. Sceptique, elle l'examina d'un oeil soupçonneux. Il arborait un air chagrin, mais regrettait-il réellement ses bêtises?

Il n'en était rien. En fait, ce n'était pas son comportement déplacé qu'il regrettait, c'était d'avoir peiné Boucles d'Or. Mieux que rien ceci dit, au moins y avait-il un un garde-fou à faire jouer pour contrôler cet insupportable marmot. Seulement le garde-fou étant une gamine haute comme trois pommes et entièrement soumise aux caprices de son petit frère, la blondinette prévoyait des migraines en perspective...

Bon. Pour aujourd'hui en tout cas, elle avait à peu près réussi à calmer le petit diable. Et puis, même si elle se serait coupée la langue avec les dents plutôt que de le reconnaître, il n'avait pas tout à fait tort: les messes n'étaient tout de même pas ce qui se faisait de plus passionnant, et l'encens n'expédiait pas tout le monde sur la voie de l'extase en quelques bouffées. Mais ce n'était pas une raison pour se comporter dans une chapelle comme à la taverne, foutredieu! Il fallait que ce gamin apprenne à se contrôler! Elle lui jeta à nouveau un regard sévère avant de répondre.

Bon, tu deviens raisonnable on dirait.

Un peu calmée par la soumission apparente du Louvelle, elle n'en oubliait pas pour autant le châtiment promis. Elle eut toutefois la délicatesse de ne pas le lui infliger sur le champ et aux yeux de toute la mesnie qui quittait désormais la chapelle maintenant consacrée. Attrapant le morveux par le bras, elle l'entraîna à l'abri des regards, et lui administra une vigoureuse fessée. Qui n'allait probablement pas améliorer son caractère, mais enfin elle ne pouvait pas lui laisser croire que ses menaces n'étaient pas suivies d'effet n'est-ce pas?

A croire cependant que corriger les moutards était stimulant pour l'esprit: une idée lui vint, qu'elle entreprit donc de vérifier. Faisant pivoter le mini-comte pour l'avoir face à elle, elle s'assit lourdement sur un banc et l'attira vers elle.

Bon. Maintenant, on va parler, toi et moi. A quoi occupes-tu tes journées?

La blondinette en resta pantoise. Il "tuait le temps"?

Et c'est tout? Tu baguenaudes à droite et à gauche en attendant la fin de la journée? Pas de leçons, pas d'entraînement aux armes, à la chasse, pas de catéchisme, rien?

La môme pâlit devant l'étendue de sa négligence. Certes, elle supportait difficilement le mini-comte, et avait fui plus souvent qu'à son tour ses responsabilités de tutrice. Elle n'imaginait pas pour autant que nul autre ne s'était préoccupé de donner à cet enfant les connaissances dont il aurait besoin plus tard pour tenir son rang et gérer ses fiefs. Fichtre! La maternelle devait hurler de rage depuis l'au-delà si elle voyait ça, elle qui avait toujours apporté un soin enragé à faire instruire sa progéniture...

Elle fixa avec attention le garnement qui lui faisait face, hésitant à se jeter tête baissée dans les ennuis que lui vaudrait _ n'en doutons pas _ l'éducation d'une telle peste. Mais avait-elle vraiment le choix? Etant dotée d'un certain sens du devoir, non. Elle était coincée. Et essaya tout de même d'annoncer cela avec légèreté au gamin. Quelque chose lui disait que lui présenter le programme comme une corvée ne lui rendrait pas la tâche plus facile...

Eh bien il va falloir qu'on remédie à tout ça! Car je suppose que tu n'as pas envie de rester aussi ignorant qu'un bouseux destiné à passer sa vie dans ses champs n'est-ce pas?

Elle paraissait contrarié, la tutrice. Lui ne voyait pas en quoi ses occupations quotidiennes pouvaient bien l'intéresser. Après tout, on ne lui avait jamais dis ce qu'il devait faire au jour le jour. Si toutefois il ne pouvait esquiver une tâche ou un autre, il s'en acquitter au pas de course et s'en allait sans rajouter mot vaquer à d'autres occupations bien plus amusantes.
Leçon ? Entraînement ? Chasse ? Caté-quoi ? Tout ceci lui était inconnu. Il en savait la définition bien entendu, mais selon lui, l'apprentissage n'était fait que pour que les fils de larbins obséquieux - qu'il n'était évidemment pas - prennent leur 'digne' suite.

Ah ben non, évidemment que je ne veux pas passer ma vie dans champ. J'ai des gens pour ça, qui cultivent ma nourriture fit-il de toute sa sincérité enfantine. Mais moi, j'ai des titres, je suis noble, hein ? Alors je n'ai pas besoin d'apprendre. Les autres apprennent pour moi, c'est bien suffisant.

Son instinct lui disait qu'il était en train de tomber dans quelque piège dont il ne pourrait sortir avant de nombreuses années. Il le sentait, mais il n'arrivait pas vraiment à savoir ce qui allait lui tomber sur le coin du nez.

La blondinette leva les yeux au ciel, exaspérée par tant d'inconscience. Pas de doute, la partie allait être rude pour l'éduquer, celui-là... Bon. Ceci dit, le mioche visiblement croyait à ce qu'il disait. Pour une fois qu'il ne faisait pas d'entrée la mauvaise tête, autant essayer de lui expliquer l'intérêt de l'apprentissage en question. Et si ce petit tenait de ses parents, le plus efficace serait encore de viser l'amour-propre.Plantant ses noisettes dans les mirettes du Louvelle, elle repartit à l'assaut.

Suffisant? Bien sûr que c'est suffisant, si tu tiens à être la risée de royaume...

Veux-tu donc être si inculte que le moindre de tes intendants pourra te gruger sans peine, et finir à la tête de fief ruinés car on t'aura volé pendant des années?

Veux-tu donc être si ignorant du maniement des armes que tu seras incapable de faire bonne figure en tournois et incapable de guerroyer? Le beau noble que tu feras, si tu ne sais pas tenir une épée! J'entends d'ici les moqueries de la noblesse de France en voyant l'un de ses plus hauts représentants aussi malhabile aux armes qu'un paysan!

Veux-tu donc être si sot et mal dégrossi que tu en seras incapable de tenir un conversation en société? As-tu envie de te retrouver muet comme une carpe en noble assemblée? De faire honte à ta soeur Elianor qui à ton âge avait déjà dévoré la moitié des livres du castel?

Ma foi, si c'est ce que tu veux, il n'est pas important d'apprendre, en effet. Tu en sauras toujours assez pour finir comme un vieil idiot ramolli du cerveau autant que des muscles. Si c'est là ce que tu veux devenir...